DELICES DE FACIES, PORTRAITS D'ARTISTES

PORTRAITS D'ARTISTES

Façonnées dans un esprit pictural proche du Sfumato mes portraits d’artistes s’inscrivent dans une sorte de docu-fiction sur des personnages issus de la création. Le regard du modèle rivé - avec son accord - sur l’objectif, laisse son empreinte vierge qui passe ensuite par la trappe compromettante du plasticien - entre Harcourt et Orlan et peut-être avec la bénédiction de Diane Arbus.

L’image, pétrie dans l’ordinateur, tente ensuite d’isoler le caractère en privilégiant le contour sur le détail. Parfois Grains et pixels fusionnent — argentique et binaire — pour conférer une représentation à caractère quasi anthropologique.

J’ai tenu à organiser toutes les séances photo lors des balances avant les spectacles ou juste avant les interventions.
En effet j’y ai trouvé souvent à ces moments-là du stress conjugué à de l’appréhension qui, me semble-t-il, donnaient au modèle un regard chargé d’une tension mêlée quelquefois à une attitude désinvolte - visage fermé ou demi-sourire ou sourire...
Les prises de vue ont été la plupart du temps prévues des jours voire des semaines à l’avance.

L’artiste prêtait son image et un peu de son temps sur son lieu de travail.
On retrouvera en effet dans les situations de prise de vue des conditions récurrentes : le lieu (lieux de travail), l’instant (juste avant sa prestation), le temps (la séance doit être rapide) et enfin l’univers (loges, cinemas, théâtres, salles de concert salles de conférences...).

Tous les clichés de la série « Délices de Faciès » ont été réalisés par l’auteur avec l’accord de tous ses modèles.

Jean Hincker, 2008

PHILTRE PHOTOGRAPHIQUE
par Corinne Guichet*

La photographie contemporaine n’est plus seulement ce moyen technique de reproduction du visible. Les artistes sont des inventeurs d’images.
Depuis les années 70, elle a su s’intégrer aux champs des Arts-Plastiques. C’est un médium à part entière.

Traiter du portrait renvoie au reflet du miroir. Le mythe du Narcisse amoureux de son image semble évident. Les Landes lieu de travail de Jean Hincker ont ce visage familier de terres (anciennement) marécageuses, humides et brumeuses. Cette image reflétée par l’onde miroitante attire notre artiste.
Elle répond à cette esthétique de la tache – une forme qui n’est pas figée – arrêtée, mais source d’inspiration. Il faut relire le « Traité de la Peinture » de Léonard de Vinci et regarder à nouveau les nuages, les eaux boueuses, voilà un conseil que le photographe contemplatif a su écouter. C’est bien une esthétique de la tache, cette force envoûtante d’un mezzo confuso qui enveloppe ses portraits.
Nous retrouvons dans le Sfumato cette constance de la forme libre, vaporeuse, mouvante. Le portrait n’est pas figé sous un masque qui arrête la forme.

Peau de cire, le portrait sait se renouveler et stimuler l’esprit d’invention.
La reine des facultés est l’imagination affirmaient Breton et Baudelaire. Au XXe siècle, les artistes Surréalistes ont su développer ces images lovées entre rêve, inconscient et réalité.
Au lieu de peindre l’âme, d’aller vers l’intérieur, l’artiste surréaliste décide de représenter uniquement la peau.
S’intéresser au portrait, utiliser le visage, ne relève plus du reflet seulement mais il devient un matériau – modelable et constitutif de l’œuvre.

Jean Hincker a conscience de modeler la chair, mais il respecte trop le portrait. Le gommage se fait plus fort. Pour notre photographe, le caractère, l’identité, la conscience, les mystères de l’individu sont au centre de son projet. Jean Hincker distille l’épiderme pour extraire la goutte auréolée de lumière, révélatrice du mystère, de la poésie de la vérité du modèle. Il s’écarte de l’apparence, de la ressemblance pour mieux la révéler.
Parlant du portrait, Francis Bacon dira « avec leur face vous devez essayer de capter l’énergie qui émane d’eux ». Dans les faciès d’Hincker la distorsion vaporeuse nous invite à nous délecter du reflet de l’être.


* Corinne Guichet est Agrégée d’ Arts Plastiques et ancienne élève de l’ENS de Cachan
Section Arts et Création Industrielle.
Elle enseigne depuis dix ans au collège de Tartas - Landes